La mort programmée des CAP

Date juin 4, 2018

Après de multiples actes d’hostilité à l’encontre des agents publics – il est désormais inutile d’en rappeler la liste – les pouvoirs publics s’attaquent à ce qu’il y a de plus légitime et nécessaire dans la gestion des carrières, à savoir l’examen en commissions administratives paritaires (CAP) des situations individuelles.

Le fonctionnement actuel ne s’apparente pourtant pas à une « co-gestion » avec les syndicats et leurs élu(e)s. Les CAP n’émettent en effet que des avis qui ne lient pas strictement l’administration, même si dans les faits, ces avis sont jusqu’à présent très généralement suivis. Ces instances de « dialogue social » permettent cependant d’obtenir des explications sur tel mouvement d’un agent extérieur au ministère qui vient occuper un poste alors qu’on écarte des candidatures internes ; elles permettent également d’examiner de façon contradictoire et objective avec l’administration, les mérites des agents en vue de leur promotion au grade ou au corps supérieur. Elles permettent de « faire sortir » des dossiers d’agents non proposés à la promotion, afin d’en connaître les raisons ainsi que les perspectives, à court ou moyen terme, de progression de carrière.

Eh bien, ce fonctionnement est beaucoup trop lourd pour les pouvoirs publics actuels ! Trop de réunions, trop de discussions, trop de temps perdu, trop de comptes à rendre, trop de transparence ! Trop de dialogue social…

Car, fort de la mobilisation faiblissante des fonctionnaires, le gouvernement se laisse aller à des tentatives surprenantes de destruction de ce qui peut, de loin ou de près, contrarier sa vision très libérale et fort autoritaire de la fonction publique. Ainsi, les chantiers qui viennent de s’ouvrir ont pour objet de vider les CAP de leurs principales compétences, à savoir l’examen des mutations et diverses mobilités ainsi que la promotion des agents ! Les élus ne seraient qu’informés de l⇒a liste des promus ou des mutés, comme tout un chacun… « Le fait du prince »  deviendra la règle, avec son cortège d’inévitables favoritismes et clientélismes !

Mais les CAP dans leur format actuel, c’est-à-dire organisées par corps, voire par grades, risqueront de demeurer trop performantes. Il faut donc qu’elles soient noyées par un effectif ingérable ; ainsi le gouvernement propose d’organiser une CAP par catégorie (A, B et C) au sein d’un ministère «  tout en permettant de distinguer les grands univers professionnels »  (sic) ! Vous avez bien lu : à la DGFiP il existerait une seule CAPN pour plus de 30 000 cadres A… ou en administration centrale, une seule CAP pour les administrateurs civils et les attachés…

Et puis, avoir en face de soi des élus qui contestent est manifestement insupportable : alors, on n’hésite pas à prévoir des CAP « dématérialisées » (comme ça, ils ne verront plus leurs « tronches »…).

Et puis, au cas improbable où un représentant de l’administration se laisserait aller à voter comme les élus en cas de vote à bulletin secret, on souhaite supprimer cette modalité de vote !

Et puis allez, pourquoi s’arrêter en si bon chemin : le paritarisme doit être supprimé, sauf en matière de discipline.

Et puis, tiens, puisqu’on parle de discipline, pourquoi ne pas inventer une nouvelle sanction ? Par exemple « l’exclusion temporaire de fonctions de 3 jours », sans bien sûr que la CAP ait à émettre un avis.

 

Et puis, pourquoi ne pas enfumer un peu, comme d’habitude, en parlant de « redynamiser (sic) le dialogue social sur les questions individuelles ». Ils ont osé employer ce mot ! Ils osent tout…

N’en jetez plus ! Après la suppression des CHSCT, les CAP deviendront donc des coquilles vides !

De mémoire de syndicaliste, jamais un pouvoir n’avait osé remettre en cause, de façon aussi primaire, le rôle des instances institutionnelles de dialogue social dans la fonction publique, lesquelles – rappelons-le – ont été conçues par des générations de responsables politiques pour précisément assurer une gestion des agents publics la plus juste possible.

                                         C’est si grave qu’il va falloir espérer que les agents publics bénéficient un jour des garanties du code du travail…

Ci-joint le Flash Infos n° 65

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