Le rapport SILICANI et ses commentaires

Date avril 8, 2009

Un gros pavé que ce rapport !

Il ne contient pas moins de 238 pages (y compris les annexes) et 40 propositions.

On y trouve un peu de tout : de vrais constats, de réelles innovations, certaines pertinentes, d’autres plus inquiétantes, et puis quelques belles envolées incantatoires.
Nous évoquerons donc les 6 orientations présentées, en mettant l’accent sur les points qui nous paraissent les plus importants.

1°)  « Se doter de valeurs partagées et explicites pour conduire le changement »

Jean-Luc SILICANI propose l’élaboration d’une « charte des valeurs du service public et de la fonction publique ». Pourquoi pas, puisqu’il s’agit là de réactiver les valeurs d’égalité et de fraternité, parfois oubliées derrière certains guichets…

2°) « Clarifier les missions et les objectifs du service public »

Le rapport souhaite notamment « une ouverture progressive à la concurrence des entreprises publiques » et que l’Etat, « chargé de l’influence, de l’intelligence et de l’édiction des règles du jeu » soit « moins qu’aujourd’hui un prestataire de service ». De leur coté, les collectivités publiques pourraient aussi « développer différents modes d’externalisation ». Autrement dit, Jean-Luc SILICANI préconise un désengagement de l’Etat et des collectivités publiques pour certaines prestations.

Il convient d’être attentif à cette orientation, sans doute justifiée par le double souci de faire des économies et d’obtenir des performances accrues. La CGC ne saurait toutefois s’opposer par principe à cette évolution, dès lors que les activités de service public jusqu’à présent assurées par l’Etat ou les collectivités publiques font l’objet d’un contrôle efficient de la part des pouvoirs publics. Elle ne saurait toutefois cautionner la multiplication des externalisations temporaires portant sur des activités de nature intellectuelle et qui nécessitent un accompagnement, parfois lourd, de la part des agents publics.

Et puis cette orientation comporte quelques belles envolées incantatoires auxquelles on ne résiste pas :
« Les cabinets ministériels ne doivent pas faire « écran » entre le ministre et les directeurs » (on ne rit pas) ;
Il faut « rénover et conforter le dialogue social au sein de la fonction publique ». Autant dire un chantier pharaonique quand on constate la pratique actuelle de ce « dialogue » !

3°)  Refonder et simplifier l’organisation statutaire générale pour construire une fonction publique de métiers

Le rapporteur note, en particulier dans la fonction publique d’Etat, d’importants « dysfonctionnements » :
le nombre élevé de corps (500) et de statuts d’emploi (200) ;
plusieurs milliers de régimes de primes ;
l’insuffisance des outils permettant de différencier les carrières et de récompenser les mérites ;
l’instauration d’une « cogestion de fait » entre les employeurs et les syndicats, qui aboutit à une gestion uniforme de la carrière de la plupart des agents.
Une simplification pourrait consister en l’instauration de 7 filières professionnelles (administration générale, financière et fiscale, sociale, éducation et recherche, culturelle, technique, sécurité) et de 4 niveaux (CAP ou BEP, Baccalauréat, licence, master) et d’un niveau fonctionnel pour les emplois de direction.

La CGC approuve ces propositions dans la mesure où l’acquisition d’un « métier » dans la fonction publique, très répandue de fait, y compris dans les administrations centrales, n’est actuellement ni reconnue, ni bonifiée. Tout au contraire, le culte absolu de la mobilité fonctionnelle tend à gâcher les qualifications acquises, parfois au prix de longues années, au détriment de l’efficacité du service public, et induit de surcroît un effort de formation en partie stérile.

4°)  Redéfinir la place et la nature du contrat dans la fonction publique pour en faire un meilleur usage

Le rapport note que le régime des contractuels est peu satisfaisant car ils ne bénéficient ni des avantages du statut ni de ceux du code du travail.
S’agissant du recours aux agents contractuels, le rapport élargit considérablement les possibilités de recrutement puisqu’il :
écarte une fonction publique dite « duale », au sein de laquelle certains emplois seraient réservés à des titulaires ;
prévoit 5 catégories de cas où l’usage du contrat serait possible (besoins occasionnels, carrières courtes, compétences insuffisamment disponibles chez les titulaires, mobilité entre public et privé, accès au service public de personnes : « éloignées du système scolaire », handicapées, seniors et européens).

Si une amélioration du régime juridique des contractuels est éminemment souhaitable, on ne peut en revanche que s’interroger sur la généralisation du recrutement par contrat, notamment sur des métiers « régaliens », tels qu’inspecteur du Trésor, des douanes ou des impôts (la liste n’est pas limitative). Que penser également de ces 5 catégories qui sont tellement floues qu’elles recouvrent pratiquement tous les motifs possibles et imaginables de recrutement ?

La CGC refuse cette banalisation du contrat, qui est la porte ouverte aux abus de toutes sortes ainsi qu’à la précarisation des emplois publics.

5°) Rendre plus attractive et plus mobile la carrière des agents et permettre une véritable gestion des ressources humaines des collectivités publiques

Le rapporteur appelle de ses vœux une véritable politique prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, une meilleure formation et information des agents, souhaite la mise en place d’une bourse de l’emploi public, prône la suppression de la notation, jugée infantilisante. Tout cela est très bien.
Cependant, dans ce catalogue de mesures, transparaît aussi la volonté de « casser » le cadre statutaire actuel, qu’il s’agisse du mode de recrutement par concours, que le rapporteur  souhaite  « professionnaliser », ou du concours interne qui serait remplacé par une simple sélection, ou qu’il s’agisse des avancements d’échelon (vous avez bien lu), de grade ou de part variable de la rémunération qui seraient désormais liés à l’évaluation annuelle.

Sur ces points, la CGC ne peut que défendre le cadre statutaire actuel, bâti sur un mode d’accès aux emplois publics assurant une stricte égalité entre tous les citoyens, puis permettant aux fonctionnaires d’accomplir leurs missions avec un minimum de sécurité et d’indépendance. Car ce minimum a son corollaire : un maximum d’impartialité et de probité.

6°) Améliorer le pilotage général de la fonction publique

Le rapporteur souhaite créer une direction de la fonction publique ainsi qu’une « commission supérieure de la fonction publique » qui seraient en charge des questions relevant des trois composantes de la fonction publique (d’Etat, territoriale et hospitalière). Pourquoi pas…

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