Réforme des retraites : l’impasse ?

Date décembre 13, 2019

Le Premier ministre s’est exprimé sur le projet de réforme des retraites. Globalement, il a confirmé l’architecture du projet proposé par Mr Delevoye, en précisant ou en changeant quelques éléments. Comme nous nous y attendions, c’est bien en allongeant le calendrier de mise en œuvre de la réforme que le gouvernement tente de calmer les esprits, par l’application de la fameuse « clause du grand père » aménagée. D’une manière générale, la réforme s’appliquera à partir de la génération 1975 (1985 pour les régimes spéciaux), au lieu de la génération 1963, comme prévu initialement : Cela fait un bon nombre de futurs retraités (au moins cinq millions) qui échappent à la réforme. Cela peut réduire la contestation… A noter que du coup, dans l’état actuel des choses, celle-ci sera terminée vers 2065-2070. D’ici là, soit la terre aura fini de brûler, soit nous aurons eu au moins une nouvelle réforme ! Mais nous ne critiquerons pas trop le fait de mettre en œuvre une réforme sur une longue période, que faire d’autre lorsqu’on souhaite modifier (améliorer ?) un système si complexe ?

Le point le plus polémique est la mise en place de l’âge pivot, rebaptisé « âge d’équilibre », à 64 ans. Il semble acté que l’on ne touche pas à l’âge légal de la retraite : 62 ans. Mais avec un système de bonus/malus associé à l’âge d’équilibre (on parle de 5% par année), cela revient d’une certaine manière à obliger la majorité des salariés à travailler jusqu’à 64 ans et plus : peu auront « le choix » de perdre 5 ou 10 % de leur retraite. C’est d’autant plus vrai pour les cadres de la fonction publique qui n’ont pas les niveaux de salaire du privé.

Nous sommes en partie rassuré sur certaines mesures, concernant les compléments de retraite pour enfants, les reversions, la pension minimale de 1000 euros, l’utilisation des fonds des caisses de retraite, le statut de certaines catégories comme les enseignants, mais il faut avoir une lecture très attentive du mode réel de mise en œuvre, car se cachent toujours dans le projet des conditions particulières, qui peuvent infléchir l’universalité des principes présentés.

Sur le calendrier de la réforme, le gouvernement tente de faire le forcing. Il annonce que le texte doit être définitivement adopté d’ici la fin de l’été 2020. Et surtout, que la loi ne contiendra pas l’intégralité des nouvelles règles, diverses mesures seront renvoyées à des décrets et à des ordonnances. Bref, le gouvernement nous « refait le coup » de la loi de transformation de la fonction publique : une loi cadre, qui a été rejetée par l’ensemble des organisations syndicales, mais passée en force auprès d’un parlement à la botte, et des décrets d’application, où globalement plus aucune concertation n’existe dans le cadre de leur rédaction.

Conclusion provisoire : le gouvernement ne plie guère que sur ce qui était attendu – l’étalement de la mise en œuvre de la réforme. C’était la marge de négociation qu’il s’était donné dans le cadre d’une stratégie de pourrissement de la contestation. Ce sont presque déjà deux semaines de conflit social épuisantes pour le pays, pour en arriver là…

La situation est explosive : un gouvernement qui veut passer en force un projet de loi structurant pour notre société, sur lequel il n’y a pas vraiment eu de concertation ; un projet qui se veut universel mais qui va recréer en son sein des statut particuliers ; une mise en œuvre qui ne sera pas inscrite dans le marbre de la loi, mais dans des décrets à venir à géométrie variable ; une absence globale de lisibilité sur le différentiel entre l’avant et l’après (pour toutes les catégories de salariés, et au premier chef les agents publics avec le calcul de la pension sur toute la carrière, primes comprises).

Quelle solution pour sortir de l’impasse qui se dessine, ou tout du moins pour éviter l’approfondissement de la « fracture sociale » au sein de notre pays ? Ne serait-il pas nécessaire de demander au gouvernement de suspendre le projet actuel, trop complexe, trop illisible, trop peu consensuel, et d’envisager la reprise de discussions sérieuses pour l’élaboration d’un projet qui ait un sens et qui soit dans sa démarche de conception le fruit d’une réelle concertation ?

La confédération CFE CGC a décidé de rejoindre l’intersyndicale dans la mobilisation contre le projet des retraites. Votre syndicat CGC Centrale, qui reste convaincu par ailleurs qu’une réforme globale du système des retraites doit être menée pour sauvegarder notre système actuel par répartition et protéger au mieux les générations futures, reprend donc ce mot d’ordre de mobilisation et participera aux manifestations du 17 décembre.

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